Ces saxophonistes ont fait l’histoire du jazz – playlist

Début mai, devait se dérouler la semaine « Saxofolies », organisée par le Conservatoire à rayonnement départemental Musique & Danse du Grand Dole, en collaboration avec les Médiathèques du Grand Dole… Voici une présentation non exhaustive de quelques grands maîtres de l’instrument dans le répertoire jazz, dont Lee Konitz, récemment décédé du coronavirus.

Instrument conçu par Adolphe Sax en 1842, le saxophone fait ses premières apparitions dans les harmonies fanfares de la Nouvelle-Orléans aux environs de 1914, juste avant la naissance «officielle » du jazz dont un premier enregistrement attesté, celui de l’Original Dixieland Jass Band, date de 1917. Après des débuts timides, les instruments rois à l’aube du jazz étant plutôt la trompette, le trombone et la clarinette, le saxophone va progressivement s’intégrer dans les différentes formations musicales avant d’en devenir l’instrument emblématique, mais cela par le fait même qu’il sera adopté par des interprètes d’exception capables de mettre en valeur toutes ses potentialités. 

Playlist : Les grands maîtres du saxophone jazz

Sidney Bechet (1897-1959)

C’est le premier grand soliste, reconnaissable à l’effet de vibrato qu’il produit avec son saxophone soprano. C’est lors d’une tournée à Londres que le musicien créole, originaire de la Nouvelle-Orléans, clarinettiste de formation, découvre et acquiert ce nouvel instrument dont il maîtrisera très vite la technique. Il posera alors les bases d’une musicalité qui fera école, suscitant de nombreux disciples dont Johnny Hodges, saxophoniste alto dans le Big Band de Duke Ellington pendant plus 40 ans. Après avoir parcouru le monde avec la célèbre « Revue Nègre » Sidney Bechet s’installera en France en 1949 où il fit les beaux jours de Saint-Germain-Des-Prés et de la ville d’Antibes qui lui érigea une statue. Il fut très populaire en France dans les années 50 avec « Petite fleur« , à une époque où le style Dixieland connaissait un revival.
>Sidney Bechet St Louis Blues 

Coleman Hawkins (1904-1969)

Dans les années 30, à l’époque des big bands, Coleman Hawkins fut un créateur prolixe au swing ravageur. Après une solide formation musicale (piano, violoncelle, clarinette et saxophone basse) Coleman Hawkins dit « Bean » opte pour le saxophone ténor. Ses connaissances théoriques et le son puissant et rude qu’il produit feront de lui « le père du saxophone ténor ». Il dominera tous ses rivaux, à l’exception Lester Young, >Coleman Hawkins Lover man

Lester Young (1909-1959)

Un autre géant surnommé le Prez, qui à l’inverse de Coleman Hawkins développera un style très subtil et velouté (smooth).
>Lester Young et Billie Holiday

Charlie Parker (1920-1955)

« Bird » passa son enfance à Kansas City, une ville qui dans les années 30 était avec New York et Chicago une des capitales du Jazz. Charlie Parker a pu ainsi écouter les meilleurs musiciens et formations du pays comme Count Basie, et Lester Young. Il sera très influencé par le jeu du pianiste Art Tatum. Après une rencontre déterminante avec le saxophoniste Buster Smith qui sera son professeur et son mentor, Bird se rend à New York où il inventera en 1942 une nouvelle façon de jouer, nommée Be-bop en compagnie d’autres musiciens de légende comme le trompettiste Dizzy Gillespie, le pianiste Thelonious Monk, le guitariste Charlie Christian et les batteurs Max Roach et Kenny Clarke.
>Charlie Parker Celerity

Eddie « Lockjaw » Davis (1922-1986)

Disciple de Sonny Stitt, adepte du be-bop, Eddie Lockjaw Davis fait ses armes avec le trompettiste Fats Navarro puis il rejoint le Big Band de Count Basie avant de mener une brillante carrière personnelle.
>Eddie Lockjaw Davis with Count Basie

Gerry Mulligan (1927-1996)

Soliste, compositeur, arrangeur et orchestrateur, Gerry Mulligan est un des créateurs du «Cool Jazz».
>Gerry Mulligan & Ben Webster « Go home » (1962)

Illinois Jacquet (1922-2004)

Jean-Baptiste Jacquet, originaire du Texas, est un représentant majeur des « honkin’tenors » (ténors hurleurs). A la croisée des genres (entre blues et jazz ) il connaît ses premiers succès avec l’orchestre de Lionel Hampton. Au sein de cette formation il développe un jeu expressif et puissant. Il joue également avec d’autres formations prestigieuses, celle de Cab Calloway et celle de Count Basie. Dans les années 80, il crée son propre Big Band, joue avec le Président Bill Clinton et acquiert le statut de « monument national« .
>Illinois Jacquet Jive crazy extrait du film D.O.A. (1949)

Dexter Gordon (1923-1990)

Il est considéré comme un brillant instrumentiste faisant la transition entre la tradition et l’avant-garde. On retient également de lui sa participation marquante dans le film « Autour de minuit » (1986) de Bertrand Tavernier, une histoire inspirée par les vies tragiques du pianiste Bud Powell et du saxophoniste Lester Young.
>Dexter Gordon Blues walk (1964)

Stan Getz (1927-1991)

Stan Getz joua dans les orchestres de Jimmy Dorsey, Benny Goodman. Mais il se révèle véritablement au sein de l’orchestre de Woody Herman considéré alors comme l’une des principales formations du jazz West Coast. Au début des années 60, il rencontrera un succès international en collaboration avec João Gilberto en popularisant la bossa nova, ce « nouveau truc » à la mode venu du Brésil.
>Stan Getz & Astrud Gilberto The Girl from Ipanema (1964)

Lee Konitz (1927-2020)

Lee Konitz fut avec Lennie Tristano, Gerry Mulligan, et Gil Evans, l’un des artisans du cool jazz. En 1949 il intègre le nonet de Miles Davis, avec lequel il enregistrera le célèbre album Birth of the cool.
>Bill Evans Lee Konitz – My Melancholy Baby

Eric Dolphy (1928-1964)

Eric Dolphy jouera avec les musiciens les plus novateurs de son époque. D’abord avec Charles Mingus, puis avec Ornette Coleman et John Coltrane, y pratiquant le saxophone alto, la flûte traversière, la clarinette, et la clarinette basse. Il participera à l’éclosion du Third stream, ce troisième courant qui tentait de faire la synthèse entre le jazz et la musique classique. Improvisateur émérite, il cherchera sa propre voie, toujours aux limites de la tonalité. Mort à 36 ans, il n’aura pas le temps de concrétiser toutes ses recherches.
>Charles Mingus Sextet – Feat. Eric Dolphy – Take The A Train

John Coltrane (1926-1967)

Lorsqu’en 1955 Miles Davis (qui est alors dans sa période jazz modal) l’engage dans son quintette, John Coltrane est déjà un musicien très expérimenté. Mais cet épisode va servir de catalyseur et, à l’instar de Sonny Rollins, Coltrane va rentrer dans une période de recherche effrénée sur la verticalité, en poussant les structures harmoniques jusqu’aux limites de l’éclatement. En 1960, il rencontre le pianiste McCoy Tyner et le batteur Elvin Jones, les conditions sont désormais réunies pour entamer une véritable (r)évolution qui passera par un retour aux sources africaines puis se renouvellera sans cesse dans une quête spirituelle transcendante. Musicien à la carrière fulgurante, John Coltrane laisse un très riche héritage aux nouvelles générations.
>John ColtraneAlabama

Ornette Coleman (né en 1930)

Les titres de ses enregistrements sont éloquents quant au projet musical: « Something else« , « Tomorrow is the question ! », « The art of the improvisers« , « The shape of jazz to come« , « Change of the century« . Autre créateur du free jazz, cet artiste novateur a toujours été à la recherche de toujours plus de liberté. Il repoussera ainsi les limites de l’improvisation en modifiant les structures harmoniques, rythmiques et mélodiques, allant jusqu’au supprimer le thème des morceaux, en élaborant un principe de composition, que d’aucuns jugent fumeux, qu’il baptisera « harmolodie« . Il développera ainsi toute une palette sonore composée d’effets de bruits et de différents procédés techniques inouïs, lesquels lui attireront parfois les foudres de la critique.
>Ornette Coleman Quartet – Roma (1974) #1

Sonny Rollins (né en 1930)

Pratiquant d’abord le saxophone alto, il fut influencé par le rhythm and blues de Louis Jordan, puis passé au saxophone ténor, ses maîtres furent Coleman Hawkins, Charlie Parker et le pianiste Thelonious Monk. Sonny Rollins fut une importante figure du hard bop, un mouvement en réaction contre les égarements commerciaux du jazz. S. Rollins passera ensuite par une période de remise en question empruntant les voies du free jazz, avant de réinvestir les répertoires créole et caribéen. 
>Sonny Rollins-live in denmark´68

Archie Shepp (né en 1937)

« Je suis jazz c’est ma vie« 
Creusant le sillage laissé par des expérimentateurs du free jazz l’ayant précédé : John Coltrane, Ornette Coleman et Albert Ayler, Archie Shepp, militant du mouvement « black power« , restera toute sa carrière durant très impliqué dans la lutte de la communauté afro-américaine pour l’obtention de ses droits civiques. Il s’intéressera ainsi à la musique du peuple noir sur le territoire américain mais aussi en Afrique, collaborant également avec la nouvelle génération des artistes du hip-hop.
>Archie Shepp Quintet Body & Soul

Rahsaan Roland Kirk (1936-1977)

Electron libre, Roland Kirk jouait de plusieurs instruments à la fois (saxophones de différentes tessitures, flûte traversière, flûte à bec, clarinette, et instruments à vent insolites comme le manzello et le stritch.) Ce musicien, imprégné de blues et soul music explora les terrains du free jazz en prônant l’universalisme. Ses concerts restent dans les mémoires comme des moments de fêtes inoubliables. Voir aussi : Rahsaan Roland Kirk – biographie sur Néosphères
>Sound (1966-67), extrait du Dick Fontaine avec également le compositeur John Cage

Wayne Shorter (né en 1933)

Wayne Shorter fut peut être le premier à sortir de l’impasse dans laquelle John Coltrane avait emmené le jazz. Engagé en 1959 dans la formation d’ Art Blakey’s Jazz Messengers, il rejoint ensuite Miles Davis et participe avec lui aux premières tentatives de fusion entre le jazz et le rock vers la fin des années 60 (In a Silent Way, Bitches Brew ), très vite il fonde avec le pianiste Joe Zawinul, Weather Report qiu restera comme le groupe phare du genre dans les années 70. Wayne Shorter a également enregistré tout au long de sa carrière de nombreux albums solos.
>Weather Report Midnight Sun

Branford Marsalis (né en 1960)

Issu d’une famille de musiciens, c’est le frère du grand trompettiste Wynton Marsalis. En tentant une synthèse entre le jeu de Wayne Shorter et celui de John Coltrane, Branford Marsalis trouve progressivement sa propre voie, et apparaît dès les années 80 comme un musicien moderne et novateur.
>Branford Marsalis Cherokee

James Carter (né en 1969)

Originaire de Detroit, James Carter poursuit sa formation à Chicago auprès de l’apôtre de la Great Black Music, Lester Bowie, fondateur du Chicago Art Ensemble. Il trouve aussi son inspiration en écoutant des enregistrements du guitariste Jimmy Hendrix. James Carter a développé ainsi une technique exubérante et spectaculaire portant l’héritage de ses prédécesseurs. 
>Joshua Redman et James Carter : Straight no chaser ; Now’s the time (Live At Carnegie Hall)

Par Marc Petitguyot et Nicolas Blondeau, Médiathèques du Grand Dole